Festival des musiques innovatrices 2014
- Jeudi 5 juin 20:30 A
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- NORBERTO LOBO et JOÃO LOBO (P)
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- NORBERTO LOBO, guitares, chant
- JOÃO LOBO, batterie, chant
Sous influence d’une part de la bossa-nova de Baden Powell, Luiz Bonfá ou Paulinho da Viola, et d’autre part de la tradition du fado (telle que la modernisa entre autres Carlos Paredes), le Lisboète Norberto Lobo juxtapose des pratiques musicales jusqu’ici éloignées (american primitivism, delta blues, rag-time, samba, jazz, improvisation), et met une grâce exquise comme une puissance sensible de jeu au service de ses idées musicales. L’album Mogul de Jade, l’assemble à un complice de longue date, le batteur João Lobo (aucun lien de parenté), et a été l’une des révélations de l’année 2013. Saudade innovatrice ?
- JOSEPHINE FOSTER (USA)
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- JOSEPHINE FOSTER, chant, guitare
Dans le dessein de relier la tradition des Appalaches au song-writing actuel, cette native du Colorado aurait pu à bon droit se sentir engoncée dans l’habit de prêtresse psyché-folk en lequel tentèrent par le passé de la travestir quelques chroniqueurs trop expéditifs en la matière ! Heureusement Sing Sing (moitié d’Arlt) parle d’elle en termes aussi justes qu’appropriés : “Josephine synthétise à elle seule la mémoire ambigüe de la musique américaine, celle qui gondole, grince d'amour et enfle de spectres, elle chante comme on colorie hors du trait.” D’une voix haut perchée, tour à tour déviante, entêtante ou radieuse, au vibrato décharné, osseux comme une rangée de vertèbres, Josephine interprète ses propres chansons et s’approprie les poèmes de Rudyard Kipling ou d’Emily Dickinson. Un ton déclamatoire à l’élégance rustique et une langueur altière contribuent à ce que la fascination envers son personnage soit immédiate. Josephine Foster s’étant jusqu’ici très peu produite en France, sa venue fait d’ores et déjà office d’évènement.
- Vendredi 6 juin 20:30 B
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- THOMAS BARRIERE (F)
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- THOMAS BARRIERE guitare, etc
C’est vers l’âge de quatorze ans et par le plus pur des hasards, que Thomas Barrière égrenne les trois cordes d’une vieille guitare abandonnée. Et en tombe aussitôt amoureux ! Mais ce sera à vingt-deux qu’il visionnera Step Across The Border, film de 1989 sur le musicien touche-à-tout Fred Frith, à l’origine de nombre de vocations. En résulte un choc qui va orienter favorablement son penchant pour les musiques de traverses et l’incite à détourner la six cordes par l’utilisation d’objets incongrus et d’électroniques diverses. Depuis, il ne cesse de réinventer l’instrument, remettant sa fonction en question comme multipliant les croisements avec d’autres formes d’arts. Entre composition et improvisation, Primaire, solo pour guitare double manche, deux amplis et trouvailles multiples, se nourrit non seulement de l’expérimentation et de son histoire mais aussi des musiques ethniques (de la Namibie au Balouchistan) et du rock progressif.
- MY CAT IS AN ALIEN (I)
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- MAURIZIO et ROBERTO OPALIO, électronics, instruments fabriqués
Psycho-system est l’intitulé de la performance multimédia (sons et images) de ce groupe résolument à part des réseaux noise et indus internationaux. Signataires, depuis leurs débuts à Turin en 1997, de plus d’une centaine d’opus (CD, LP, K7 en éditions limitées, lesquels offrent autant d’invitations au voyage cosmique, délesté des clichés de la musique dite planante), les frères Opalio, collaborateurs occasionnels de Sonic Youth, Christian Marclay, Keiji Haino, Mats Gustafsson ou Jim O'Rourke, détournent le sens et les pratiques instrumentales convenues (grâce aux space toys notamment) ou élaborent d’ingénieux dispositifs électroniques. Tom Sekowski (Gaz-Eta), faisant référence au morceau Dance Of The Cosmo Aliens, déclare à leur propos : "Si Sun Ra était toujours de ce monde, nul doute qu’il serait fier de sa progéniture.”
- Samedi 7 juin 18:00 C
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- TOMA GOUBAND (F)
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Lithophones, pierres, tambours, plumeaux et feuilles fondent l'instrumentarium préposé à cette performance exquise. Né à Manosque au mitan des années 70, Toma Gouband recueille et collectionne les cailloux, entrechoquant leurs impacts, brouillant en un écheveau de claquements nets et concis leurs relations phoniques intimes, déconstruisant leurs cycles rythmiques en diverses cadences, exécutées à divers tempi simultanément. Le cercle druidique maillé autour de lui se fait autel, vecteur d’énergie, noyau d’une transe surnaturelle lui ayant gagné l’admiration de quelques-uns des hérauts de l’improvisation libre (Benoit Delbecq, Evan Parker ou Kim Myhr). Mais c’est encore en solo que le rendu artistique de Toma Gouband est le plus ensorcelant.
- Samedi 7 juin 20:30 D
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- KONK PACK (GB/D)
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- TIM HODGKINSON, guitare lap steel, clarinette
- THOMAS LEHN, synthétiseur analogique
- ROGER TURNER, batterie, percussions
Des revenants ! Les trois protagonistes de Konk Pack se sont produits sous d’autres enseignes et à diverses reprises ici depuis 1987. Ex-partenaires de Lol Coxhill, Cecil Taylor, Phil Minton, Evan Parker, Marcus Schmickler, Fred Frith ou Derek Bailey, ce sont loin d’être des enfants de chœur de la pratique improvisatoire fou furieuse. Imaginez-vous aspirés par l’un des bords d’un cyclone, sans nul espoir de vous y soustraire, tandis que le synthétiseur analogique de Thomas Lehn éructe et crachote à la façon d’un vétuste récepteur d’ondes courtes, que la lap steel guitare d’Hodgkinson siffle à la lune, et que les baguettes de Turner mitraillent une batterie de casseroles dans un crépitement de tous les diables. L’un des trios d’improvisation radicale parmi les plus secoués du genre nous fait vivre l’expérience du tourbillon. Celle dont on on ressort haché menu, en mille et un fragments. “Pulvérisé” auraient dit les tontons flingueurs.
- RICHARD PINHAS (F)
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Artiste français de stature comparable à celle de Tangerine Dream pour l’Allemagne, Richard Pinhas fut un pionnier, dès le début des années 70, des musiques d’avant-garde, anticipant l’indus et la techno comme à l’origine d’un langage guitaristisque “oblique” que d’aucuns rapprochèrent des “Frippertronics” (modèle répétitif qu’élaborèrent le tandem Fripp et Eno et dont le grand plateau de l’Opéra-théâtre de Saint-Etienne se fit le réceptacle un soir de 1975). L’ancien élève de Gilles Deleuze, érudit en philosophie comme passionné de science-fiction, reprend au recto de la pochette d’Allez Teia (2e disque de son groupe Heldon) la photo mythique de Gilles Caron, d’un manifestant poursuivi par un CRS lors des émeutes de 1968. C’est dans les années 90 que Pinhas mit la toute dernière touche à un système électronique autonome lui permettant d’accroître les champs d’un solo fondé sur les feedbacks, les boucles, l’écho et les variations de timbres et de hauteurs. A son écoute, un monde sonore étrange et oppressant (comme le genre dit d’anticipation en fournit souvent les arcanes), hanté de monstres métalliques grinçants, se reconfigure en permanence. Nul doute que la salle des Pendus s’en fera le décor idéal.
- LA MORTE YOUNG (F)
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- JOËLLE VINCIARELLI, chant, électronics
- ERIC LOMBAERT, batterie
- CHRISTIAN MALFRAY, synthétiseur, électronics
- THIERRY MONNIER et PIERRE FAURE, guitares, électronics
Aucun hasard à ce que La Morte Young - un patronyme insensé, emberlificoteur pour qui ne lit pas entre les lignes ou à la lettre près - intègre en son line-up, le duo Sun Stabbed, à l’intitulé dérivé de Dead C. Nulle coïncidence non plus à ce que Michael Morley, membre du même Dead C, signe la pochette d’un premier disque éponyme. Chez les Néo-zélandais comme chez les Français, on se conforme aux us et pratiques de l’improvisation ainsi qu’au noise et à ses déflagrations intempestives, ce à quoi Nappe, deuxième formation à rallier le quintette, répond de sa veine inventive. L’idée de ce super ensemble (aux pointes d’un triangle reliant Nice, Grenoble et Saint-Etienne, trois villes que marque, en matière d’art, un goût prononcé des avant-gardes) naquit lorsque le duo Talweg rencontra, lors de l’édition 2011 du festival, le duo Nappe. A la clef des échanges alchimiques des trois duos entre eux (2 + 2 + 2 = 5), un psychédélisme vicié et obsédant, des guitares canalisant une voix hurlée, rauque et gutturale dans les murs de bruit, globalement héritée du black métal. Hyper-free ou free-metal, … ils feront selon l’humeur !
- Dimanche 8 juin 15:00 E
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- LUCIO CAPECE (RA)
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- LUCIO CAPECE, saxophone soprano, clarinette basse, sruti box, ballons, électronics
C’est en 2004 que l'Argentin Lucio Capece s'installe à Berlin, faisant d’une des capitales européennes des musiques d’avant-garde son Q.G. Il y croise Burkhard Beins, Mika Vainio, Radu Malfatti, Axel Dörner, Mattin, etc… Sur Factors of Space Inconstancy, l’une des deux compositions-installations dont il nous présentera des extraits, des haut-parleurs en lévitation, oscillant à la manière de pendules, altèrent notre appréhension de l’espace, de la taille et des proportions de la pièce. Zero plus Zero, la seconde, nous ouvre, en défragmentant les centres d’intérêt de l’écoute, au concept dit de “l’expérience perceptuelle”, propre à réfléchir la richesse de textures sonores inattendues et à mettre en lumière "les sons cachés dans le bruit et le bruit caché dans l'agencement des sons”. Tout un travail méticuleux et passionnant sur le dedans et le dehors de la musique.
- BAISE EN VILLE (F)
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- NATACHA MUSLERA, voix, microphone
- JEAN-SEBASTIEN MARIAGE, guitare
De la grande lignée des improvisateurs vocaux dont Phil Minton apparaît aujourd’hui comme le saint patron, Natacha Muslera, expulsant l’air aussi bien de ses narines que de sa bouche, piégeant sa voix à travers une pédale d’effets, chante de la manière la moins esthétisante possible. Ainsi parle-t-on à son sujet de cri viscéral. Son partenaire se distingue à la six-cordes par un jeu bruitiste comme farouchement iconoclaste, et par un sens inné de l’attaque, le propre des grands guitaristes de rock. Entre Jean-Sébastien Mariage et Natacha Muslera s’effacent à force de s’interpénétrer les rôles de soliste, à mille lieues des attitudes convenues, semant des chausse-trappes au détour de la performance ou en coupant la route par d’abrupts virages. Un duo qui respire comme l’improvisation dont elle sert au plus près le principe : sans concession et dans l’instant.
- SONAR (CH)
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- STEPHAN THELEN et BERNHARD WAGNER, guitares
- CHRISTIAN KUNTNERS, basse
- MANUEL PASQUINELLIS, batterie
Quartette helvète instrumental (deux guitares aux accordages spécifiques, basse et batterie) s'inscrivant entre prog-rock (sous influence de King Crimson, Pharaoh Overlord, Mahavishnu) et veine post-minimaliste (Glenn Branca, Necks, etc). L’intitulé contracte l’expression “SONic ARchitecture”, trahissant l'intention du groupe de transposer en sons – la Suisse n’est pas que la patrie des horlogers mais aussi celle de grands architectes - une polyrythmie aux fondations solidement ancrées comme aux lignes pures tracées à la perfection. Déphasages, diplopie sonore, hypnose, vertiges et autres effets en trompe l’œil. Musique à écouter des yeux.
- JOE TORNABENE (USA)
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- JOE TORNABENE, saxophone baryton
Acteur pour le théâtre ou le cinéma, marionnettiste, artiste multimédia, ce saxophoniste baryton (flûtiste de formation) a connu un parcours éclectique. Respiration continue et sons multiphoniques (accords obtenus grâce des doigtés spéciaux) fondent un solo ininterrompu et fuselé, dans la lignée de ceux délivrés dans le passé par Peter Van Riper, Ned Rothenberg ou Evan Parker. On pense à Charlemagne Palestine, entre autres éminences du minimalisme sonore, pour la sollicitation des overtones (sons harmoniques) que l’acoustique des salles à forte réverbération du Musée de la mine n’aura peine à magnifier à l’extrême.
- Jeudi 5, Vendredi 6 et Samedi 7 juin F
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- STEPHANE TROISCARRES, ALAIN LONGUET et GABRIEL SOUCHEYRE (F)
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- Cage Suite Project Vidéoformes 2014 : borne interactive
On connaît l’influence immense de John Cage sur ses confrères compositeurs, on mesure moins celle qu’il a eue envers la performance et les arts visuels. En 2013, Vidéoformes est parti sur ses traces, son œuvre de 1952, 4’33 (273) servant de point de départ à une aventure aléatoire et collaborative qui garantissait un grand plongeon transgénérationnel dans nos univers numériques. Le succès de cette aventure a encouragé leurs auteurs à en prolonger l’entreprise (encore sur un mode collaboratif et libre, les règles ne changent pas). Ajoutons que sa présentation sous la forme d’une borne interactive en salle des locomotives du Musée de la Mine sera participative pour le public. Du ludique et de l’aléatoire en art où, on le sait, seule la faille fait sens ! Vidéos : Thomas Israel, Giney Ayme, Annie Dissaux, Agathe Heron, Dale Hoyt, Sofi Hemon-Pavelka, Lucas Bambozzi, Jose Man Lius, Sigrid Coggins, Pierre Lobstein, Teresa Wenberg, Victor De Fix, Alexandre Callay et Parya Vatankhah. Sons : Ramiro Murillo, Julie Rousse, Gauthier Keyaerts, Theresa Wong, Catherine Radosa, Slikk Tim, Falter Bramnk, Pierce Warnecke, Phil Fontes, Anik Coggins, Hugo Vermandel et Julien Piedpremier.
- THOMAS BARRIERE (F)
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- Du vent : installation sonore pour dix ventilateurs, un musicien et des ombres
Le vent insuffle le son, l’expression, la parole. En brassant corps, matières et textures, il modèle et réfléchit nos actes, nos mots, nos pensées, il nous relie au monde. Pièces maîtresses de l’installation, divers modules conçus à base de ventilateurs, se font, tour à tour, machines à sons ou sculptures itinérantes. Et formulent en un langage brut, qu’hache et ordonne les souffles, accidents ou frottements des guitares. Thomas Barrière imagine un environnement tremblotant et mystérieux s’alimentant de la pénombre à la manière des accroches fragiles de Christian Boltanski ou du Wayang, le théâtre d’ombres javanais.